A propos de ce blog

C'est durant ma petite enfance que j'ai découvert l’œuvre de Georges Brassens, grâce à mon père qui l’écoute souvent durant les longs trajets en voiture. Sur la route des vacances estivales, j'ai entendu pour la première fois Le Petit Cheval alors que je n'avais que 4 ans. C'était en août 1981. Au fil des années, le petit garçon que j'étais alors a découvert bien d'autres chansons. Dès l'adolescence, Georges Brassens était ancré dans mes racines musicales, au même titre que Jacques Brel, Léo Ferré, Barbara et les autres grands auteurs-compositeurs de la même génération. M’intéressant plus particulièrement à l’univers du poète sétois, je me suis alors mis à réunir ses albums originaux ainsi que divers ouvrages et autres documents, avant de démarrer une collection de disques vinyles à la fin des années 1990. Brassens en fait bien entendu partie. Cet engouement s’est accru au fil du temps et d’évènements tels que le Festival de Saint-Cyr-sur-Morin (31/03/2007) avec l’association Auprès de son Arbre. À l’occasion de la commémoration de l’année Brassens (2011), j’ai souhaité créer ce blog, afin de vous faire partager ma passion. Bonne visite... par les routes de printemps !

J'ai rendez-vous avec vous

"Chaque fois que je chante une chanson, je me fais la belle." Georges Brassens

dimanche 6 septembre 2015

Entre vous, plus de controverses...

Peu importe le temps mis à réaliser une œuvre, c’est la qualité du résultat qui est importante.

C’est le concept qui ressort des mots du poète latin Horace (Quintus Horatius Flaccus) lors de l’écriture de ses Satires (recueil en deux tomes : le premier, de dix poèmes, fut publié vers 35, le second, de huit pièces, vers 29 av. J.-C.). Il évoque alors son prédécesseur Caius Lucilius, fondateur du genre. Plus de 1600 ans plus tard, Jacques Du Lorens (1580-1655) s’exprime de la même manière dans sa Satire XVIII :

On ne demande point lorsqu'un voit un tableau
Qui donne dans la vue et que l'on trouve beau,
Quel temps l'excellent peintre aura mis à le faire,
Étant vrai que cela ne fait rien à l'affaire.

Ce qu’il ne saura jamais, c’est que l’histoire de la littérature conjuguée à celle de la musique contribueront à rendre célèbre l’expression proverbiale du dernier vers, habilement utilisée par Molière dans Le Misanthrope (1665) où, dans l’acte I, scène 2, Oronte se vante d’avoir écrit en peu de temps, un sonnet qu’il tente de soumettre à Alceste. Ce dernier considère l’œuvre avec circonspection :

ORONTE.
– L’espoir…. Je ne sais si le style
Pourra vous en paraître assez net et facile,
Et si du choix des mots vous vous contenterez.

ALCESTE.
– Nous allons voir, monsieur.

ORONTE.
– Au reste, vous savez
Que je n’ai demeuré qu’un quart d’heure à le faire.

ALCESTE.
– Voyons, monsieur ; le temps ne fait rien à l’affaire.


Le personnage d’Alceste, cher à Georges Brassens, ainsi que sa réplique, vont lui inspirer le titre de l'une de ses plus courtes (2’06’’) et plus denses chansons : deux couplets de quatre fois deux vers de cinq pieds et un de trois, suivis de deux vers de huit pieds. Fait rare dans son œuvre, le poète sétois y donne par deux fois son avis personnel de manière descriptive : "Quand on est con, on est con." Mais cela n’entre-il pas dans la psychologie du con ? [Sallée A. - Brassens - p. 132] Humour impertinent oblige, ce terme polysémique qui marque souvent la rime revient 26 fois dans la chanson, jouant aussi fréquemment sur les homophonies (ce qui porte à 38 le nombre d'utilisations du phonème). Ce style d'écriture se retrouvera aussi plus tard dans Quand les cons sont braves, ainsi que le souligne Robert Le Gresley dans un de ses dialogues virtuels avec le "Bon Maître". Désignant à l'origine le sexe de la femme, 'con' est aussi, au sens figuré, un mot vulgaire couramment employé comme insulte dans les pays francophones (personne stupide, naïve ou désagréable), mais dans un sens très atténué, voire amical, dans les régions méridionales de l’hexagone. On pense ici à la "bande de cons", au cercle des amis de Georges, auquel René Fallet a rendu hommage dans son Brassens (1967). Le con pétri de bêtise du Temps ne fait rien à l’affaire fait rire, par simplisme et humour de l’écriture, tandis que le comportement de l'Alceste de Molière en fait une plaie vivante. [Sallée A. - Brassens - p. 132]

Comme le note René Fallet, toute la chanson abolit implacablement la moindre querelle entre les générations. Dans le refrain, Brassens fait référence à François Villon - l’un de ses auteurs favoris - et sa Ballade des dames du temps jadis, qu’il mit en musique au début des années 1950 (Georges Brassens - Récital N°2 – Polydor 530024, paru début 1954).

Petits cons d’la dernière averse,
Vieux cons des neiges d’antan.

Georges Brassens à l'Olympia (04/11/1961)

Georges Brassens / Moustache et les Petits Français - volume 1 "Élégie à un rat de cave" 
(Philips 9101 260) (1979)

Enregistrée les 23 et 24 octobre 1961 au Studio Blanqui, avec Pierre Nicolas à la contrebasse, Le temps ne fait rien à l’affaire sort en novembre de la même année (Brassens, poèmes et chansons ainsi que Jean-Paul Sermonte, dans Brassens au bois de son cœur, indiquent un copyright de 1962) sur le 33T 25 cm Georges Brassens N°8 (Philips Standard B 76.512 R). Il est important d’évoquer l’utilisation de la chanson 37 ans plus tard pour la bande originale du film Le Dîner de cons (1998), tiré de la pièce éponyme de Francis Veber. Notons que le personnage récurrent de François Pignon (à l'origine co-créé avec la collaboration de Pierre Mondy dans le fauteuil de metteur en scène), est ici incarné par Jacques Villeret et fut popularisé par Jacques Brel dans L’Emmerdeur (1973), d’Edouard Molinaro. Ses grandes caractéristiques sont : la candeur (voire parfois la bêtise), la naïveté, la gentillesse, ainsi que le fait de se trouver souvent face à une situation qui le dépasse, voire dont il n'a pas conscience.


En 1974, dans un entretien pour RTL avec Louis Nucera, Georges Brassens évoque Le Temps ne fait rien à l'affaire et son regard sur la stupidité humaine:

Georges Brassens : "Je ne sais pas s’il y a plus de cons qu’avant. Je crois qu’ils se manifestent plus qu’autrefois, qu’on leur demande plus leur avis, qu’on les sollicite perpétuellement, parce qu’ils sont plus faciles à manier. Alors, évidemment, on leur donne une importance qu’on ne leur donnait pas avant.  Ils sont peut-être plus redoutables aujourd’hui parce qu’ils disposent de moyens d’expression. Ça aussi, c’est une mode : s’exprimer. Qu’est-ce que ça veut dire ? Il y a des gens qui s’exprime mieux en se taisant qu’en parlant, même moi : je ferais mieux de me taire ! On est toujours le con d’un autre. Et puis il y a cette inflation du langage… Il ne faudrait pas les appeler "cons", il faudrait dire "des imbéciles". Con, ça n’est pas assez méchant.
"Il faudrait vivre comme s’ils n’existaient pas. C’est difficile parce qu’on en trouve toujours."

On est toujours le con d'un autre, mais afin d'entretenir nos zygomatiques, laissons à Coluche le mot de la fin:

"Bah alors si on veut trouver plus con, hein, on peut toujours trouver plus con que soi, hein, regardez-moi ?!!!" [J'ai pas dit ça... sur les sportifs]

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